samedi 6 février 2021

La Tannerie au Breuil Barret

 La tannerie au Breuil Barret d'après le document manuscrit original de Gérard Caen mon oncle 

Avant de devenir les « Tanneries Vendéennes » entre les deux guerres , celles ci ont été à l'origine une tannerie artisanale dont les souvenirs les plus anciens remontent vers 1860 .

L'activité commence à cette date approximative dans le bourg  puis achat du premier terrain à la sortie du bourg route de La Châtaigneraie en 1862 par Mr Gourde,

La construction de la tannerie se faisant entre 1862 et 1885,

Avant la guerre de 1914 les deux frères Gourde François et Augustin ( leur père François Léon Gourde était déjà tanneur depuis au moins 1810 et habitait au village du Tail de La tardière , voir notes ) en étaient les dirigeants et exploitants avec quelques ouvriers . Le travail était essentiellement manuel , on n'y tannait que des peaux de gros bétail pour du cuir à semelles.

Les tannins utilisés étaient l'extrait de châtaignes puis l'écorce de chênes par couchage en fosses en fin de tannage . Ces fosses étaient rondes de deux mètres de diamètre et autant de profondeur .

Le premier tannage à l'extrait de châtaignes durait environ trois mois dans des cuves carrées de deux mètres de profondeur et autant de largeur .Ce n'est qu'ensuite que le tannage dit lent se faisait en fosses pour la partie de cuir supérieure en texture c'est à dire le dosset qui comprenait tout le dos jusqu'au bas des côtes et s’arrêtait aux épaules .

Ce dosset était divisé en deux parties fendues sur la raie de dos et qui formaient ce qu'on appelait deux croupons .

Le tannage de cette partie durait  trois mois en fosse , le cuir couché à plat avec une petite couche d'écorces broyées et ainsi de suite , écorce et cuir jusqu'en haut . La fosse était alimentée sur le côté par une petite cheminée en extrait liquide de châtaignes . C'est par ce mélange  d’extrait de châtaignes et d'écorces de chênes que se faisait le tannage de qualité.

Le dessous du ventre de la bête qu'on appelait flancs ainsi que le collet ( les épaules et la tête ) subissait un tannage rapide , la texture de ce cuir ne permettait pas de faire de la semelle , elle était utilisée en première intérieure ou en talon avant que ne sortent le liège , le bois ou le synthétique .

Il fut une période avant la première guerre mondiale ou on faisait deux couchages en fosses aux dires des anciens , le cuir était bien supérieur en qualité que par la suite mais à cette époque le travail était peu payé et le temps ne comptait pas .


Après les deux frères Gourde , la tannerie fut achetée par le Docteur Pierre Meunier en 1913.

Les parents de son épouse Marie Victoire Brillaud étaient Brillaud Ferdinand père et Gourde Marie Victoire mère , l'entreprise est donc restée dans la famille puisque le père de Marie Gourde était François Gourde propriétaire de la tannerie avec son frère Augustin.

 La famille Meunier eut trois garçons et une fille , un développa le commerce grains et engrais , un autre partit à l'aventure et le troisième Louis Meunier prit la tannerie et la développa à la faveur de la guerre 14-18 on peut le supposer et devenir ainsi une industrie très bien équipée . Le 02 août 1926 fut crée la  société : les tanneries vendéennes .

A l'origine une grosse chaudière à vapeur chauffée au charbon actionnait un moteur qui faisait tourner toutes les machines de l'usine par des courroies et des arbres de transmission ce qui engendrait des pertes par le patinage des courroies . La principale courroie était tressée pour plus d'adhérence et de souplesse , elle faisait trente centimètres de largeur et plus d'un centimètre d'épaisseur.

Une haute cheminée en briques de 33 mètres de hauteur dominait les bâtiments centraux .

Cette chaudière nécessitait une surveillance constante toute la journée et consommait entre 600 à 800kg de charbons par jour .

Il y avait également une puissante sirène installée sur le toit de la chaufferie qui annonçait les heures d'embauche et de débauche , elle était très connue dans le secteur et on l'entendait dans un rayon d'une bonne dizaine de kilomètres.

La première grande évolution technique à été l'électrification probablement dans les années 1920-1930 . Le moteur à vapeur ne faisait tourner qu'une génératrice qui produisait du courant électrique en 110 volts continu et alimentant ainsi toute l'usine en lumière et tous les moteurs de chaque machine .

Il y eu ensuite un moteur diesel anglais Ruston de 75 chevaux avec un volant fonte de trois tonnes cinq qui décuplait sa force. Ce moteur était scellé sur un bloc de béton estimé à plus de 30 tonnes , il démarrait avec une bouteille d'air comprimé . Moteur à un seul piston de 30 cm de diamètre et à un temps , il fallait très exactement 5 minutes pour qu'il s’arrête.

C'était un grand progrès et de plus très économique , il consommait de 60 à 70 litres de fioul pour 9 heures de travail et ceci pour faire tourner tous les moteurs et fournir la lumière à toute l'usine .

Il n’a tourné que 2 ans car en 1939 la guerre supprime les livraisons de carburant donc retour à la vapeur . L'usine était classée prioritaire pour les livraisons de charbon . Les ouvriers étaient mobilisés sur place.

Après la guerre 39-45 nouveau départ avec des hauts et des bas sur les ventes. Mr Louis Alexandre  Meunier est décédé le 10 mars 1940 , c'est son fils Jacques qui devient le nouveau directeur.

Nouvelle modernisation dans les années 1958-1959 avec l'abandon de la grosse chaudière à charbon pour une chaudière fioul plus économique et entièrement automatique et en même temps passage sur l'électricité secteur .


A son plein développement , la tannerie était divisée en quatre ateliers , la basserie , les fosses , la corroierie et le magasin aux cuirs.

En basserie , il y avait le dépôt des cuirs salés provenant des gros centres de collecte principalement Toulouse , Nantes , Parthenay et pendant un certain temps de Bavière. La première opération était le dessalage des peaux pour les besoins de la journée  en cuves et en tonneaux à cheval sur la rivière (atelier de rivière ) pendant environ 24 heures . Chaque lot était composé de 30 cuirs entiers avec un complément de croupons pour faire environ 1 tonne sans jamais dépasser 1100 kilogrammes à cause des palans.

La deuxième opération , le pelain , consistait à plonger les peaux dans de grandes cuves d'eau de 2 mètres de profondeur à cheval sur des barres de bois à la verticale avec un mélange de chaux et de sulfure de sodium pour faire tomber les poils et pendant 2 à 3 jours .

Le travail consistait ensuite à passer les cuirs sur une machine à ébourrer qui raclait les poils , puis venait le rinçage au tonneau . Ces cuirs propres étaient prêts pour l'écharnage qui consistait à enlever le reste de chair du cuir , ce travail jusque dans les années 1950-1955 se faisait à la main au moyen d'un tranchant de 60 à 65 centimètres avec une poignée à chaque bout qui devait coupé comme un rasoir. Il fallait un vrai tour de main car il ne fallait pas mordre le cuir . L’affûtage du tranchant était l'affaire de l'utilisateur , chacun avait sa méthode et en général personne ne pouvait se servir du tranchant de l'autre. Sans arrêt il fallait passer la lame à la pierre douce puis au cuir comme on le faisait à une époque avec nos rasoirs à lames. C'était un travail d'ouvrier qualifié , il y avait 2 trancheurs qui utilisaient de gros gants. Pour être capable de devenir un vrai trancheur , il fallait un apprentissage  de 6 mois à 1 an .

Venait ensuite le déchaulage en tonneaux pleins d'eau avec du méta bisulfite de soude pendant environ 24 heures , le cuir devait être entièrement déchaulé avant d'être tanné.

Les cuirs entraient en basserie pour commencer le travail du tannage . Il y avait un premier bain à 0,7 degré dans une première cuve puis le degré de tannin augmentait à chaque cuve jusqu'à la septième qui était à 6 degrés . Il s'agissait de tannin de châtaigniers et toutes ces cuves étaient équipées d'un système de balancement 24h sur 24h et 7 jours sur 7. Il y avait au moins une vingtaine de cuves de chaque côté d'une allée. Ces manœuvres se faisaient avec un palan électrique pour soulever les peaux de cuve en cuve .


On passait ensuite à l'autre atelier , les fosses.

Les peaux étaient coupées en 5 parties , 2 croupons , 2 flancs et un collet .

Les croupons ( partie du cuir de l'épaule  à la queue et fendue en 2 juste sur la raie du dos )subissaient un prolongement de tannage en cuve ( 9 à 10 degrés de tannin) pendant 1 à 2 mois puis étaient couchés en fosses avec une couche d'écorce de chêne à chaque cuir pour 3 mois minimum. 

Les flancs (la partie en dessous le ventre  et le haut des pattes ) et collets ( partie qui va de l'épaule à la tête ) subissaient un tannage rapide en tonneau tournant pendant une journée avec du tannin chaud . Chacune de ces parties étaient marquées pour être suivies en nombre et en poids pour le rendement jusqu'au magasin d’expédition.


Venait ensuite l'atelier de corroierie pour le lissage , pour rentrer les bosses , mettre bien plat et lisse le cuir et enfin le séchage.

De là ils passaient en magasin  pour cylindrage  ou battage au marteau pilon . Ils étaient prêts pour la clientèle. 

Même chose pour les croupons à la sortie des fosses ( tannage lent ) . Lissage à la machine puis re tannage à la main , un peu de séchage avant descente au marteau pour être battu .


Ceci est resté valable jusque vers 1958 date de l'abandon du tannage à l'écorce de chêne . Il faut noter qu'avant 1939 il y avait environ 130 tanneries de cuir à semelles en France et que l'étude faite sur la qualité  et la résistance du cuir en grandeur nature ( pas en laboratoire ! ) montrait que les Tanneries Vendéennes étaient les meilleures de France. Dans les années 1960-1965 il ne restait plus que 25 à 30 tanneries de cuir à semelles en France.

Dans les années 1959-1960 ,  Mr Alain Pluchon nouveau chef de fabrication apporte de nouvelles méthodes de fabrication. Jacques Meunier fils de Louis Meunier avait voulu modifier certaines choses pour améliorer la productivité  mais ce fut pire.

Avec Mr Pluchon , on fit du tannage au tonneau par tannin chimique au lieu du tannin végétal . Il mit au point un tannage en cuves chauffées électriquement avec des tannins spéciaux mis au point par un ingénieur chimiste qui décéda avant la fin de son expérimentation mais après tâtonnement Mr Pluchon arrive à un parfait résultat . Ces nouvelles formules ont très vite fait évoluer l'usine qui est passée rapidement de  3 tonnes par semaine  à 5 tonnes , il faut savoir qu'une partie de la fabrication à été transférée en association avec la tannerie LORCET de Bort les Orgues.

A cette époque des clients allemands ( fabricant de crêpe ) venait chercher ce cuir de qualité , il à fallu acheter des peaux en Bavière de vaches de montagne ou il n'y avait pas de mouches donc sans varron ( maladie de peau ).

Par la suite , en changeant de chef de fabrication puis un problème de succession  et une incapacité à surveiller les différentes opérations de production , l'usine ne pouvait pas lutter face à la concurrence.

Vente de la tannerie par la famille Meunier à Mr Vialle le 31 décembre 1973.

Après avoir fabriqué les meilleurs cuirs d'avant guerre  puis fourni dans les années 1960-1970 les marques de chaussures les plus prestigieuses de France , une des plus anciennes industries du canton sombrait presque lamentablement .

Les tanneries vendéennes ont fermées le 6 juin 1981. 


Notes et références

Archives de la Vendée .

Gourde François né le 25/0/1801 à la Tardière . Mariage le 18/04/1827 au Breuil Barret avec Marie Hursule Ferret , à son mariage il est déjà Tanneur.

Gourde Augustin né le 15/04/1810 à la Tardière . Mariage le 29/06/1841 au Breuil Barret  avec Pauline Meriet . Lui aussi tanneur.

Leur père François Léon Gourde est décédé au Tail à la Tardière le 10/07/1822 était également tanneur au moins depuis 1810 tel que mentionné à la naissance de son fils Augustin.

Sur le plan de l'ingénieur Viollet en date du 16/12/1834 sur un projet de route nationale , il est noté la tannerie Gourde sur le bord de la rivière ce qui prouve qu'à cette date il y avait déjà un bâtiment à l'emplacement actuel .

Archives de Vendée

https://etatcivil-archives.vendee.fr/ark:/22574/s005e0bee5a55c24/5e0bee5a570d0


Bort les Orgues , il y à un musée de la tannerie et du cuir ( http://musee-du-cuir.com/ )


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